C'est arrivé à Belgrade..
Comme l'a chanté un poête : "la misère est moins pénible au soleil..."
Et le soleil brillait en cette fin d'après-midi ; et il y avait foule aussi, foule de tous les jours, montant et descendant au terminal des bus ; foule pressée ou déambulant dans les allées du petit marché tout à côté ; foule d'étudiants ; foule de jeunes et de moins jeunes. Toute cette foule s'interpelle, rit, se bouscule. La foule !
Casse-croûte en mains, nous attendions notre bus. Et je l'ai aperçue, pantalon de toile sans couleur et sur les épaules un veste d'homme à carreaux bruns et jaunes ; aux pieds, des chaussures à petit talon. Aucun peigne n'est passé dans ses cheveux depuis bien longtemps.
Et dans ses yeux : rien.
Elle souleva le couvercle d'une poubelle, fouilla à l'intérieur, en sortit un morceau de pain ou de fromage souillé qu'elle essuya sur sa veste. Elle se mit à grignoter.
Il y avait du soleil ce jour-là sur le trottoir de Belgrade mais la misère n'était pas moins pénible. Elle m'a sauté au visage et m'a fait mal à pleurer